Chamonix – Place Balmat – Dimanche 1er Juillet - 6h00 du matin.
Ça y est ! Nous y sommes ! David et moi sommes prêts à en découdre avec la montagne et ses 42
kms.
Après avoir déposé nos sacs auprès d’une organisation irréprochable de bout en bout, nous voici
flânant sur la place, nous faisant prendre en photo devant la statue de Balmat certainement pour
évacuer une pression qui monte petit à petit.
Déjà, il faut se mettre en place et ne pas partir trop loin de la ligne pour éviter les encombrements de
début de course.
Le speaker commence à faire monter l’ambiance à grand coup de Blacks Eyed Peas et d’AC/DC. La
pression monte.
Il annonce la présence de tous les favoris : Maud Gobert, Greg Vollet, Kilian Jornet… Je suis un peu
surpris de ne pas entendre mon nom cité ! Mais bon, il ne doit pas être très familier des courses de
trail…
7h00 : le départ. Ça part vite. Normal avec les lièvres de devant. Je démarre à 12 – 12,5 à l’heure sur
les premiers kms plutôt roulants. David lui part plus prudemment.
Les 10 premiers kilomètres vont vite se transformer en calvaire. Trop chaud, malgré la fraicheur du
matin. J’enlève mon buff, mes manchettes. Je n’ai pas de jambes, aucune sensation. Ça s’annonce
bien !!
Première surprise, Carole, Séverine et Zoé, nous attendent à Argentière. 12 kms de course bouclés en
une heure environ. Leurs cloches savoyardes retentissent (une autre surprise), ça fait du bien car les
jambes ne sont toujours pas là. Beaucoup de monde sur le parcours, beaucoup d’encouragements.
Les prénoms sur nos dossards permettent un encouragement personnalisé. J’ai l’impression que des
centaines de personnes me connaissent.
Les kms s’enchainent, les sensations reviennent un peu. Nous progressons en balcons alternant
montées et légères descentes en sous bois puis à découvert.
Je me répète régulièrement de bien penser à regarder le paysage car le beau temps (pour le
moment) est avec nous et ce qui nous entoure est splendide.
Nous attaquons la première grosse difficulté de la course : le col des Posettes en plat de résistance et
son aiguillette en accompagnement.
L’accès à la montée se fait par un champ très raide où ne retrouvons Carole, Séverine et Zoé
accompagnées de Chantal (ma belle-mère) qui nous encouragent à tout rompre. Elles ont vraiment
bien préparé leur coup.
Le premier km du col est très pentu. Les premières défaillances ne sont pas loin. Un coureur derrière
moi souffre. Il veut arrêter. Je l’encourage à continuer et à s’accrocher. Je ne le reverrai plus.
Nous sortons de la forêt et prenons un chemin à découvert. Le ciel se couvre, le sommet du col
est dans les nuages. La pente est moins raide. J’ai pris mon rythme et ça va de mieux en mieux. Je
commence à remonter des concurrents.
L’arrivée au col des Posettes est impressionnante. Nous sommes dans le brouillard avec un vent
terrible. Nous avons dû perdre 15 degrés en quelques kms.
Au dessus de nous, un hélico de l’organisation tourne pour filmer au plus près. L’ambiance est
surréaliste. On se croirait dans Apocalypse Now. Mais j’adore ça. En plus les jambes sont là.
Nous attaquons l’Aiguillette des Posettes. La montée est plutôt agréable, pas trop pentue. Je ne
ressens pas les effets de l’altitude (merci aux 3 jours de Chartreuse et au we dans les Ecrins).
3 bénévoles transis de froid nous accueillent au sommet. C’est la bascule. Changement de rythme
immédiat. La prudence est de rigueur.
Je passe au sommet en 3h12. Il reste 17 kms. Je suis dans les temps pour faire moins de 6h. Ça me
booste.
Le début de la descente est assez technique. Nous passons ensuite dans la forêt par un chemin très
agréable mais jonché de pierres et de racines.
Le coureur de devant laisse trainer ses pieds. Il bute une fois, deux fois. Il va finir par tomber. Il
tombe. Pas trop de casse.
Un coureur de derrière aura moins de chance et semble s’être fait très mal.
Je reste hyper concentré car la fatigue commence à se faire sentir.
Malgré cela, sur un appui « anodin » ma cheville droite tourne violemment (toujours la même).
Grosse douleur sur le moment. J’essaie de faire comme si rien ne s’était passé. Les appuis sont
difficiles mais la douleur s’estompe au fur et à mesure des virages.
Après 6 kms de descente (qui ont bien pompé mes quadri), passage à Tré le Champ pour un nouveau
ravitaillement.
3h38 de course. Je ne le sais pas encore mais Kilian Jornet vient de franchir la ligne d’arrivée à Plan
Praz. Un monde nous sépare (je le savais) mais le même bonheur de courir en pleine nature dans ces
paysages magnifiques nous rassemble. C’est le principal.
A Tré le Champ de nouveaux supporters nous accueillent : Isa et FX. C’est trop bien !! De nouveaux
encouragements. Sortie du ravitaillement, quelques centaines de mètres après, c’est Jacques (mon
beau père) qui est là. Il m’a vu de loin. J’entends ça voix hurler au loin « Allez Régis ». C’est un truc de
fou. J’ai des frissons. Il m’encourage en passant et me donne quelques conseils.
J’attaque la montée vers la Flégère, les filles sont là. Nouveaux encouragements. Un régal.
Nouvelle montée en balcons à travers la forêt. J’ai un bon rythme. Je passe des concurrents. Sortie
de la forêt. On aperçoit le refuge de la Flégère et l’arrivée de la télécabine. Enfin l’arrivée au dernier
ravitaillement après un km très pentu qui laisse des traces sur les organismes.
Il reste 6 kms. J’en suis à 5h20 de course. Il ne va pas falloir trainer pour arriver sous les 6h.
La progression est bonne sur ce sentier à flanc de montagne. Je me retrouve avec un petit groupe
très motivé. Les gars s’encouragent. Ils sentent la fin également.
Soudain, à 2 kms de l’arrivée, alors que l’on entend déjà le speaker à Plan Praz, un appui sur un
rocher me déclenche une crampe aux ischio. Je décroche du groupe. Je prends du temps pour
m’étirer. La pente est plus raide. J’en profite pour marcher et étirer ma jambe en même temps.
Plus de peur que de mal. Après quelques centaines de mètres, la douleur n’est plus qu’un mauvais
souvenir. Je repars. Hyper motivé. Je rattrape mon petit groupe. Sur une montée alors que tout le
monde marche, je me mets à courir. Je n’en reviens pas moi-même. Je ne ressens plus de douleur
nulle part.
J’arrive en bas de Plan Praz le couteau entre les dents. Je veux en découdre. Je connais la montée
pour l’avoir fait la veille en rando lors du cross des filles.
Je rattrape concurrents sur concurrents. Un petit replat, je cours. Puis viens le dernier raidillon.
Je monte fort. Jacques m’accompagne sur quelques mètres. Je suis plié en deux, les mains sur les
cuisses. J’avance, j’avance. Carole me rejoint, m’encourage.
Il reste 200 m avant la ligne, la pente est de plus en plus forte. La foule est énorme. On se croirait
à l’Alpes d’Huez pour une étape du Tour. Les gens se poussent au dernier moment, en hurlant des
encouragements, le speaker est à fond, la musique aussi. Je trouve la force de courir jusqu’à la ligne.
Je finis au sprint. Ça y est, je passe la ligne.
6h08 de course. Et un immense soulagement.
Je suis heureux !!
Heureux d’avoir fini, heureux de l’avoir fait. Heureux d’avoir participé à une si belle course.
N’ayant jamais participé à une telle course de montagne, je pense que je m’étais mis une pression
énorme. Je doutais tellement d’y arriver.
Quelques secondes après la ligne, je craque. Pour la première fois. Beaucoup d’émotion, je pense à
mes enfants, à Carole qui m’a soutenue tout au long de la course. Je retrouve mes beaux parents,
Séverine, Zoé, Isa et FX. Ce n’est que du bonheur.
Et puis je me remets vite de mes émotions, car je veux voir arriver mon pote David. Il arrive après
6h20 de course. Très heureux également et ému. On tombe dans les bras l’un de l’autre. C’est fort !
Après la course, nous redescendrons vite en téléphérique car le temps se gâte. A part quelques
petites gouttes sur les 3 derniers kms, nous avons été épargnés.
Un grand merci à tous nos supporters qui nous ont accompagnés tout au long de cette belle
aventure. Vous nous avez boostés.
Un seul conseil à ceux qui ne l’auraient pas encore déjà fait. N’hésitez pas, cette course est
fantastique. Dure, mais fantastique !!!